En phase avec le déni

Aujourd’hui, tout le monde sait ce que signifie « être dans le déni », c’est-à-dire ne pas vouloir reconnaître un trait de caractère, de comportement, une addiction, qui est pourtant évident pour les autres. Etre dans le déni, c’est se mentir un peu à soi-même et refuser de regarder la réalité en face, celle qui donnerait une mauvaise image de soi. La personne a souvent l’impression d’avoir un comportement naturel et équilibré, du moins pas plus déséquilibré que la norme.

La formation d’un « comité éditorial » à la tête du Nouvelliste et de la « tâche de contrôle à postériori » du contenu du journal qu’il entend mener, tient pour une bonne part du déni. Formé par Jean-Marie Fournier et composé notamment du sociologue Uli Windisch, il suscite des inquiétudes parmi les gens qui défendent une certaine pluralité d’opinions dans ce canton et ailleurs. Même les députés radicaux et socialistes sont intervenus le 10 septembre au Grand Conseil en parlant de « comité de censure », s’étonnant de la participation à ce petit jeu d’un préfet nommé par l’Etat (Jean-Maurice Tornay, Entremont).

Pour rassurer sur ses intentions, le comité éditorial a publié un communiqué le 1er septembre dernier. On peut y lire en substance : « Les membres du comité se sont engagés à ne pas intervenir, ni exercer d’influence directe ou indirecte sur le contenu… » ou « Le journal est pluraliste…. Il reflète l’ensemble des opinions et se veut indépendant des partis ou groupes d’influence… »

Pourtant, tout le monde sait que la ligne politique de Fournier et Windisch est calquée sur le courant conservateur du PDC et l’UDC. S’ils ont formé ce comité éditorial restreint, c’est bien pour défendre la place dominante de ces idées-là et des personnes qui les représentent.

De deux choses l’une dans leur communiqué. Soit ils prennent les gens pour des idiots qui se paient de mots, qu’il suffit de cacher ses intentions avec quelques précautions d’usage. Soit ils croient vraiment à ce qu’ils disent. Au point d’être dans le déni. Bien que la première interprétation me semble la plus probable, la seconde ne l’est pas moins. Leur position politique leur semble à ce point naturelle, pondérée, sage, raisonnable, qu’à elle seule elle représente déjà quasiment tout le champ des possibles du « pluralisme ». Du coup, il n’y a pas besoin d’intervenir.

Quant aux soucis des députés, un Tornay peut en cacher un autre. Le conseiller d’Etat Maurice Tornay, PDC et de la même commune que l’autre, a répondu qu’on pouvait circuler, cela n’a rien à voir.