Au nom de la mère

« Bellissima », de Luchino Visconti (Italie, 1951), avec Anna Magnani, Walter Chiari, Tina Apicella.

L’intrigue

Une mère romaine rêve pour sa fille d’une brillante carrière au cinéma. Maddalena (A. Magnani) dépense toute son énergie (et ses maigres économies), mettant même son ménage en péril, pour que la fillette soit choisie pour être la vedette du prochain film de Blasetti. Qu’elle soit la plus belle, la mieux habillée. Comme des centaines d’autres, elle présente la petite au casting, à Cinecittà. Elle y rencontre un beau parleur, qui lui propose de l’aider à réaliser son rêve en pistonnant la gamine. Maddalena ira de désillusion en désillusion, avant d’ouvrir les yeux sur la réalité du monde du spectacle.

L’anecdote

« J’étais en larmes lorsque les lumières se sont rallumées. » La confession émane de Bette Davis herself, pourtant peu suspecte de posséder un cœur d’artichaut. L’actrice américaine, généralement avare de compliments envers ses consœurs, a été terrassée par la performance de « la » Magnani. La qualifiant de brillante, « débordante de puissance volcanique et tellurique », tendre, poignante et incroyablement émouvante, Bette Davis termine ainsi son hommage : « En tant qu’actrice, en tant que femme, je vous salue, Anna Magnani, et vous remercie pour tout ce que vous apportez à l’art du cinéma dans Bellissima. »

Bonus

Autant l’avouer d’emblée, « Bellissima » n’est pas le chef-d’œuvre de Visconti, qui en a tant réalisé par ailleurs (« Les Damnés », « Le Guépard », « Ludwig ou le Crépuscule des dieux »). Osons même dire qu’il est limite épuisant à regarder ; ça crie et vocifère tant que l’on se surprend à espérer ne serait-ce que 30 secondes de silence… Mais il y a Anna Magnani, « la » Magnani, superbe et déchirante qui, après été l’objet de fantasmes des mâles de la Péninsule et d’ailleurs (« Riso Amaro »), se pose ici en diva du cinéma néoréaliste. En la choisissant pour le rôle principal de « Bellissima », Visconti, qui l’avait admirée dans « Rome, ville ouverte », va au-delà du portrait de femme et de la dénonciation du miroir aux alouettes qu’est le monde du cinéma. Il en fait l’allégorie de l’Italie tout entière, l’Italie d’après-guerre, désorientée, à l’élan brisé, mais pleine d’énergie et de courage.