En phase avec Picasso

Artiste décevant, dépourvu de sensibilité, faux génie… En 1932, Picasso ne faisait, de loin pas, l’unanimité lors de son exposition au Kunsthaus de Zurich. 78 ans plus tard, même exposition, même endroit, c’est la fête à Picasso. Une messe sans fausse note. Artiste puissant, émouvant et véritable génie.

Aussi longtemps que je m’en souvienne j’ai toujours voulu dessiner. Mais je n’avais aucun talent pour reproduire les choses. Comme beaucoup d’élèves, j’avais une mauvaise note en dessin. Je persévérais, mais je ne recevais aucun encouragement de personne. Quand il m’arrivait de voir dans un journal un tableau de Picasso, de Miro ou de Paul Klee, je voulais le montrer à mon père pour lui dire qu’on pouvait aussi faire comme ça. Mais pour lui, Picasso était un gribouilleur, un hippie, un fumiste, un communiste. Il devait désespérer surtout que je veuille faire la même chose.

Aujourd’hui, le dessin d’enfant est précieux, authentique. Ironie de l’histoire, plus il est original et tordu, plus il est prometteur. Récemment au Manoir de Martigny, j’ai animé un débat autour du dessin d’enfant, de l’enfance de l’art. Un professeur genevois expliquait qu’il est criminel aujourd’hui de dire à un enfant : tu ne sais pas dessiner. Qui lui donner comme modèle : Michel-Ange, Jackson Pollock, les aborigènes d’Australie ou Andy Warhol ? Qui fait juste, qui fait faux ?

Pourtant dans certains cantons, on met encore des notes de dessin à l’école. C’est le cas du Valais. Je demandais alors qu’elles étaient les critères pour évaluer un élève.

Une institutrice a répondu : des choses objectives. Elle demande aux élèves de mettre trois couleurs dans leur dessin ou de faire des lignes droites et pas des courbes. Et si on leur demande un oiseau, c’est l’oiseau tel qu’ils l’imaginent, tant pis, voire tant mieux s’il a trois pattes et une trompe d’éléphant. En résumé, s’ils font ce qu’on leur dit de faire dans l’air du temps, ils ont une bonne note. Comme pour tout.

Le Genevois s’est offusqué : on ne met pas de note aux enfants pour le dessin, c’est moyenâgeux comme enseignement. Le débat des notes a glissé sur la religion. En Valais on met toujours des notes pour les cours de religion. Par le passé, il fallait montrer sa foi et son assiduité à la messe pour avoir des bonnes notes. Aujourd’hui, il suffit de connaître le nom de Jésus et des évangélistes pour s’en tirer. Ou alors d’expliquer Dieu tel qu’on se l’imagine, si possible quelqu’un de bien, pas castrateur, pas vengeur, décoratif et en symbiose avec le vivant. En somme un Dieu peint par Picasso.